7- Du traître au gaullisme au champion du néogaullisme : Jacques Chirac, un politique pragmatique ?

Bryan Muller

Encensé par les médias lors de son décès le 26 septembre 2019, Jacques Chirac fut considéré par nombre de ses anciens compagnons comme un « traître en politique » selon l’expression tirée du Figaro du 13 janvier 2012. Son parcours politique fut marqué par de brillants succès à ses débuts : jeune secrétaire d’État à l’Emploi en mai 1967, il ne cesse de gravir les échelons jusqu’à obtenir le ministère de l’Intérieur en 1974. Le protégé de Georges Pompidou tombe toutefois en disgrâce auprès d’une partie de sa propre famille politique lorsqu’il lance l’appel des 43 pour rallier dès le premier tour à Valéry Giscard d’Estaing au détriment du candidat gaulliste officiel, ce qui est perçu comme une véritable trahison. S’il semble évident qu’il s’agit d’un calcul politique, cette décision du futur Premier ministre répond à des motivations plus complexes. Une partie des députés et ministres « godillots » rejettent le chabanisme, qu’ils considèrent comme trop à gauche, et des militants conservateurs se méfient des idées politiques du député-maire de Bordeaux. La chiraquisation de l’UDR qui s’en suit provoque une division au sein de la famille gaulliste entre les partisans des barons et ceux du nouveau Premier ministre, les uns considérant que Jacques Chirac est un traître qui a rallié Valéry Giscard d’Estaing, les autres estimant qu’il est le plus apte à moderniser le mouvement. Sa prise de contrôle rapide de la première organisation politique de la majorité se solde par la transformation de celle-ci en Rassemblement pour la République (RPR) en décembre 1976. Entièrement voué à la promotion de Jacques Chirac en vue des présidentielles de 1981, le RPR connaît à son tour plusieurs contestations en son sein. La victoire de François Mitterrand en 1981 permet finalement aux membres du RPR de se souder autour de leur leader – la présidentielle ayant démontré que les mécontents avaient rallié la candidature de Michel Debré au nom de la fidélité à un « gaullisme originel » supposé, ou autour de celle du président sortant sous prétexte de la solidarité ministérielle.

Mots clés. — Jacques Chirac, (néo)gaullisme, traître, UDR, RPR. Bryan Muller, Les Cahiers d’AGORA.

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